Nathalie Gendre est permanente à ATD Quart Monde à Pierrelaye. Elle relate l’expérience menée pendant 5 ans dans un canton rural de Bretagne. ATD y mène une action de colportage de livres au domicile de familles isolées sans culture du livre. Pour ce projet, 10 villages sont concernés, et 5 petites bibliothèques. Un gros travail en partenariat. Il part du souhait exprimé par une maman : que nos enfants rencontrent d’autres enfants. ATD propose un atelier d’écriture ponctuel qui accroche bien. C’est ainsi que nait un projet plus ambitieux dans la durée qui doit permettre une rencontre entre enfants de différents milieux. Le noyau de base est constitué des enfants connus dans le cadre du colportage. Il a fallu 2 mois de préparation pour trouver un financement et organiser le transport. 2 animateurs : un écrivain financé par la DRAC, une volontaire d’ATD pour le contact aux parents, la mobilisation des enfants et l’écriture. « On a voulu que l’action soit visible, dans un lieu public, une bibliothèque ». Cette bibliothèque est sous la responsabilité de personnes bénévoles, sans formation. Une sensibilisation par affiches et un contact avec les écoles - un peu méfiantes au départ. Concurrence ? Non occasion d’échanges entre les instit et les parents, diffusion de tracts, puis mise en valeur des textes produits par les enfants qui les lisent à l’école. Garder tout au long du projet la porte ouverte. « Moi, j’irai jamais là dedans » (= la bibliothèque) dit Nolane. A vélo, il passe pour aller au foot, il regarde par la fenêtre, puis demande à rentrer pour voir… puis revient à chaque fois. Un garçon à cadrer tout doucement. L’écrivain propose une démarche très ludique, à partir des 5 sens. On s’assoie dans un champ et on écrit ce qui se passe, une atmosphère. On a comme objectif un travail de qualité, qui soit beau. Contact avec le prof d’art plastique du collège, et des gravures seront réalisées avec un graveur professionnel. Les enfants sont motivés et restent. Eva, « enfant repère » (c’est à dire considérée comme prioritaire) n’a pas écrit une ligne de toute la première année, elle met le bazar, n’a pas d’amis à l’école. Le travail sur l’arbre l’a débloquée. Elle a lu son texte à propos du cerisier de son jardin, rougeur… et reconnaissance à partir de ce texte. Un enfant dit « si on écrit, est-ce qu’on peut faire un vrai livre, être des auteurs ? » Rencontre d’un éditeur à la bibliothèque, avec les parents. Puis on travaille sur une maquette, un titre, des textes, des corrections, des illustrations. C’est un projet motivant. Les parents donnent également leur avis. Mélanie est une enfant très seule, sa famille habite dans une maison isolée avec une haie jusqu’au toit. Une maison innommable, mais où il se passait des choses. L’animatrice n’a pas pu y rentrer avant 2 ans. La confiance se crée et la porte va s’ouvrir quand on travaille sur la maquette. Le livre est présenté à La Villette. Et il n’est pas question que Mélanie participe au voyage. Le jour J elle est la première arrivée à l’arrêt du car ! Bon travail de préparation avec elle qui présente le livre à l’école. L’instit dit « on ne la reconnaît plus ». La maman franchit la porte de l’école pour la première fois (sa fille est en cm2). « Cette petite fille portait sur elle la misère, personne ne voulait travailler avec elle. Le projet a permis une rencontre qui change les relations entre les personnes ». 4 années d’atelier d’écriture Démarche d’écriture après chaque animation ce qui se passe ce qui est décourageant et difficile les anecdotes. Comment le partenariat évolue. Puis un travail d’évaluation financé par la DRAC : 18 mois d’interview par un professeur de sociologie rurale, dans un soucis de neutralité. Une stagiaire analyse les interviews et puis 6 mois pour la mise en forme. Cette évaluation est diffusée aux parents et aux partenaires. Pour ATD le premier objectif est le mélange des publics. 50/50 une mixité sociale. Et redécouvrir combien l’accès à la culture est important. Offrir quelque chose qui change le quotidien, pour soi- même ; Pour le groupe social. Pour présenter le livre sur le canton on a organisé une fête à laquelle 200 personnes participent. Beaucoup de monde s’est mobilisé pour la déco. Nous avons donné une place à tous dans la préparation. Des rencontres un peu particulières entre des responsables et des personnes avec lesquelles le courant ne passe pas. Et pouvoir parler d’autre chose. Le maire a lu, l’instit a lu. L’art permet d’exprimer des choses qu’ils ne peuvent pas dire. Les parents ont eu un regard sur les capacités de leurs enfants et beaucoup de fierté. Il y a eu un changement de comportement dans le village. De génération en génération des clichés très durs se transmettent. Des familles sont cataloguées. Mobiliser les parents pour l’exposition, que le maire vienne, et l’AS, que les uns et les autres se saluent que les parents puissent parler du beau texte de leur enfant. Sortir les gens des étiquettes dans les deux sens : « celui là je ne peux pas le voir… » à propos du pharmacien. Constater ensemble qu’écrire c’est difficile pour tout le monde. Nathalie Gendre était à plein temps sur cette action, elle continuait le colportage de livre avec certaines familles. Gagner la confiance des parents est très long. Les enfants sentent qu’on respecte les parents. Et aujourd’hui ? Beaucoup d’enfants galèrent, ils n’ont pas continué à écrire. Il faut trois génération pour intégrer une pratique culturelle. 8 ans après, on re-questionne les enfants. Ce qu’ils ont vécu ensemble reste fort. Ils ont créé un groupe jeunesse Quart Monde, avec le soucis que les plus éloignés soient là. C’est comme un passeport, un truc dont on peut reparler. Ca a transformé leur manière de faire des études et le choix des études. 120 enfants ont participé : 30 par an (=2 groupes de 15 tous les 15 jours) + vacances. Ca a été un tremplin vers d’autres activités. Une troupe de théâtre pour quelques enfants et des parents. Et au collège, ils s’inscrivent aux activités du mercredi ou au sport. Au début les familles ne savent pas qui on est. Quand je dis : le CCAS va nous aider, elles balisent, est-ce que je ne vais pas raconter des choses ; faire ensemble les démarches. Pour les enseignants, ouverture à la souplesse dans les horaires. On arrive pas à engager une structure mais des personnes. Les enfants voient que la maîtresse et la bibliothécaire se connaissent, traversent la rue pour se dire bonjour. Pendant le voyage à Paris, les enfants ont manqué l’école. Pas d’action pérenne, mais un tremplin vers ce que la ville propose. Et ne pas attendre que les gens viennent. Aller vers eux. Dire nos objectifs Faire le tour des acteurs du quartier. Enfants repères, familles repères : quels sont ceux sur lesquels mettre le paquet. Bien choisir les moments de rencontre avec les parents. ATD permet le rassemblement des adultes à partir des enfants. Un objectif qui favorise le mieux vivre ensemble dans le quartier. C’est ce que les gens expriment lors des temps forts.
Notes prises par Jeanne Vilbert
Atelier du 14