TOTO CARAMEL
Qui c’est le plus beau ?
Qui c’est la plus belle ?
C’est toi ? C’est moi ?
C’est lui ? C’est elle ?
Non ce n’est pas toi,
Ce n’est pas moi, ce n’est pas lui
Ce n’est pas elle.
C’est toto Caramel et sa copine Isabelle.
Toto Caramel a une tête
Mais pas de cervelle.
A des souliers
Mais pas de semelles.
A une culotte
Mais pas de bretelles.
Alors toto Caramel
Va au marché à la Chapelle, ou à Saint-Michel,
A Saint-Marcel
Ou à Grenelle
Et il achète des bretelles.
Mais au lieu de les attacher
Comme il faut,
Il les laisse pendre comme une queue
Et il se promène,
Il voit un cerisier avec des cerises
Et une échelle.
Alors…
Toto Caramel
En montant sur cette échelle
S’est pris les pieds dans ses bretelles,
Il est tombé dans la poubelle
Et ça fait rire Isabelle.
Toto Caramel
Confond la terre et le ciel,
Confond le sucre et le sel,
Confond la crotte et le miel.
Il n’a plus toute sa cervelle.
Alain GAUSSET
UN, DEUX, TROIS
Un, deux, trois bacs à la pointe d’un pic ;
Deux étaient vides et le troisième sans eau.
Un, deux, trois potiers s’y sont installés ;
Deux étaient sans bras et le troisième manchot.
Un, deux, trois grains de riz ont été bouillis ;
Deux sont sortis crus et le troisième pas cuit.
Un, deux, trois coups de poing lui sont tombés dessus ;
Deux l’ont manqué et le troisième ne l’a pas touché…
Il a frappé un éléphant qui passait par-là
Et lui a brisé deux côtes et demie !
L’éléphant a perdu la tête
Il a plongé dans une théière qui débordait.
Puis il est ressorti par le bec
Et tout le corps y est passé
Sauf sa queue qui est restée coincée ! Il a tiré, il a forcé…
Mais la théière a explosé, et de tout cela il n’est plus rien resté
Qu’un éléphant sans queue ni tête et cette histoire à raconter.
Jean-Jacques FDIDA
LE LIVRE
Des fois i’disent « quand il est parti d’ici,
c’est à peine si i’savait lire. »
Le livre que j’ai lu, je ne s’en sais point l’auteur
Le livre que j’ai lu n’est pas chez le libraire
Je ne sais point le titre et fus mauvais lecteur
Et si vous le trouvez il faut parfois se taire
Ne ferme pas trop tôt le livre
Les fleurs n’ont pas fini de vivre.
A la première page un chemin dans le bois
A la deuxième page une source est cachée
A la troisième page est un Indien qui boit
La quatrième page elle est encore tâchée
A la cinquième page un canot sur la mer
A la sixième page on l’attend à la côte
Au bas de la septième on dit que la mer perd
A la page d’après la mer est aussi haute
Ne ferme pas trop tôt le livre
Les fleurs n’ont pas fini de vivre.
Page vingt, page trente, un vol de corbijoux
Traverse tout le livre et s’ébat sur les plaines
Pour manger des bleuets qui poussent n’importe où
Je n’en ai pas mangé depuis cinq cents semaines
A la page centième il pleut sur l’île aux foins
A la suivante un homme en marche dans la neige
Pour changer de saison il marche un peu plus loin
Mais la trace du loup est perdue et le piège
Ne ferme pas trop tôt le livre
Les fleurs n’ont pas fini de vivre.
Page mille et cent mille on est dans du bois vert
Au matin de mon conte à son premier chapitre
Je m’en vais te laisser avec le livre ouvert
Le cœur et l’œil au large et le front sur le livre
Gilles Vigneault
Infecte pieuvre qui souille
La lâcheté du mépris que tu déverses
Telle l’ordure que tu es,
Explosera un jour de honte
A la bassesse de ta face
de serpent à sornettes.
Que ton racisme parasite,
Te ronge l’intestin grêle
Du trop plein de ton fiel
Et que tes clichés tout faits qui étouffent,
Te terrasse la carcasse
aux yeux de sentences.
Crève dans l’enfer de ton abjecte infamie
Et nous danserons sans fin,
Sûrs de ne plus subir
tes blessures assassines.
– lettre à l’intolérance –
Plan de Travail
Chaque matin :
Cirer les taches de soleil,
Encaustiquer les feuilles de saule,
Bien brosser les ombres poussiéreuses
Pour qu’elles cachent
Au plus noir d’elles-mêmes,
Les insectes voraces.
Peigner soigneusement
l’herbe verte des prés,
Briquer le soleil levant
Et repeindre au pinceau le dos des coccinelles.
Epousseter les oiseaux au plumeau
Et laver la lumière
Jusqu’à la transparence
Et puis se dépêcher
D’attraper la comète
De sept heures dix-sept
Christian Poslaniec
Le mot
Je cherche un mot
Vaste et chaud comme une chambre
Sonore comme une harpe
Dansant comme une robe
Clair comme un avril
Un mot que rien n’efface
Comme une empreinte dans l’écorce
Un mot que le mensonge
Ne séduit pas
Un mot pour tout dire
La mort la vie
La peur le silence et la plainte
L’invisible et le doux
Et les miracles de l’été
Depuis si longtemps je cherche
Mais j’ai confiance en vous :
Il va naître de vos lèvres
Jean-Pierre Siméon
Grand’Mère
Grand’mère
Se courbe toujours vers la terre
Et au début
Je me demandais ce qu’elle avait perdu ?
Mais elle n’a rien perdu du tout
Elle a plein de tours polissons
Et si elle plie comme ça les genoux
A les rentrer dans le menton
C’est pour mieux jouer à saute-mouton.
René de Obaldia
Un enfant m’a dit : le soleil
Est un œuf dans la poêle bleue…
Un enfant m’a dit : le soleil
Est une orange dans la neige…
Un enfant m’a dit : le soleil
Est une pêche jaune et rouge
Sur un lit de velours qui bouge…
Un enfant m’a dit : le soleil
Est un bijou sur une robe…
Un enfant m’a dit : je voudrais
Je voudrais cueillir le soleil
Pierre Gamarra
Les clémentines de la nuit
Fraîches dans la main
Quant je vais les chercher
Les clémentines de la nuit
J’en connais le goût
Un coup d’ongle ou de dents
Et le jus sur les lèvres
Mais nous n’en disons rien
Ou simplement « c’est bon ».
Nous enlevons la peau
Nous détachons les quartiers
Nous partageons au bord de notre lit
Ces minutes comme les fruits
Sans les compter.
Mais quand je porte dans la cuisine
Les pépins et les petites robes
Sur le bord de l’évier
Je vois tout le prix briller
Des nuits de clémentines :
Longtemps après la soif.
François de Cornière
Les Haricots
On doit chanter ce que l’on aime
Exalter tout ce qui est beau
C’est pour cela qu’en un poème
Je vais chanter les haricots.
Alors que tout repose encore
Dès le premier cocorico
Ah qu’il est doux quand vient l’auro
De voir semer les haricots.
Et voir un jour sortant de terre
Et se dressant toujours plus haut
Vers le soleil vers la lumière
On voit pousser les haricots.
Plus tard les paysans de France
S’agenouillant, courbant le dos,
Ont l’air de faire révérence
Pour mieux cueillir les haricots
Mais ces courbettes hypocrites
Précèdent la main du bourreau
Qui, les jetant dans la marmite
Met à bouillir les haricots
Et lorsque vient leur dernière heure
On les sert autour d’un gigot,
Et chaque fois mon âme pleure
Car c’est la fin des haricots
Francis Lopez
Scène de vie
Je viens vous donner bonsoir bonne gens
Je viens vous donner bonsoir
Je viens causer en votre compagnie
Je suis comme un oisillon
Qui peut se poser n’importe où
Je viens vous donner bonsoir
Le monde est comme un oignon cru
Je viens vous donner bonsoir
Point de graine dans l’oignon cru
Je viens vous donner bonsoir
Le monde est comme un vieux rayon de miel
Je viens vous donner bonsoir
Point d’envers ni d’endroit dans le rayon de miel
Je viens vous donner bonsoir
Le monde est comme la ceinture d’une grande dame
Je viens vous donner bonsoir
Point d’endroit unique pour nouer la ceinture
Je viens vous donner bonsoir
Je viens vous donner bonsoir
A vous vielles gens je viens vous donner bonsoir
Je viens causer en votre compagnie
Mor-Gueye
Paroles d’Afrique
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Terre à bonheur
J’ai vu le sable des plages
Et je ne veux pas mourir.
J’ai entendu le chant des phoques
Et je ne veux pas mourir.
J’ai remué le sable sur les plages
Et sur ce sable j’ai dormi.
J’ai laissé dans mes mains le sable
Se laisser faire par le vent.
Et le temps s’occupait de moi
Sans que je sache et que j’y pense.
J’ai dormi dans le creux des roches
Contre le sable et l’océan.
Je comprends jusqu’à la clameur
Que fait la vague au pied des roches
Je comprends bien le chant des phoques
Et moi non plus je ne veux pas
Que ça finisse.
Guillevic
Pour faire une table
Pour faire une table
il faut du bois,
pour faire du bois
il faut un arbre,
pour faire un arbre
il faut une graine,
pour faire une graine
il faut un fruit,
pour faire un fruit
il faut une fleur :
pour faire une table
il faut une fleur.
Gianni Rodari