Les bébés sont curieux, sensibles et intelligents. Les bébés « travaillent » à travers les activités qu’ils déploient à longueur de journée. J. Ashbé fabrique des livres que les enfants vont pouvoir manipuler- ils aiment- sans risque de les abîmer. Un bébé va dans un livre chercher un écho à sa vie à lui. Le livre met en mots les émotions de tous les jours, revisite le quotidien des petits. Les bébés travaillent, ils cherchent à comprendre « comment ça marche ». Beaucoup de choses paraissent évidentes, il leur faudra beaucoup de temps pour se les approprier. Dans « Vite, vite » par exemple, elle se met à la hauteur du petit pour l’accompagner. Ce qui est évident pour le parent ne l’est pas pour le bébé. Ex in « La nuit, tout le monde dort ». Elle nous partage une expérience vécue et conclut : la première chose que l’on perd, avec le sommeil, c’est l’humour ! Elle propose une piste : souvent il faut s’appuyer sur l’imaginaire pour dépasser une difficulté. Pourtant elle ne fait pas des livres « médicaments » ! La rencontre d’un enfant et d’un livre se fait là où on ne l’imagine pas. Les bébés entrent dans les livres autant par les yeux qu’avec les oreilles. Même tous petits, ils peuvent choisir de rester longtemps sur la même image. Les livres permettent d’aborder tous les petits fantômes de l’âme humaine, les peurs… Un travail peut se faire si l’enfant le décide. « Lorsque nous vivons ensemble un moment de lecture, il m’est arrivé de projeter des représentations sur mon bébé… Et je me suis dit : qu’est ce que je suis en train de faire ? C’est moi qui projette. Ce livre me rassure-moi face à mes petits fantômes. » L’arrivée d’un petit humain sur la terre reste un moment de grâce. Un autre cadeau, c’est que l’aîné ne reste pas tout seul pour nous supporter dans la vieillesse ! Partager les livres avec les enfants, c’est apporter la culture, donner la distance. C’est un moyen de visiter l’âme humaine, et l’enfant le sent et s’appuie dessus. Pour prendre un peu de hauteur pour se rendre maître de la situation. Plus on lui lit le livre, plus il sait que le héro va toujours rater son coup. Alors qu’il devient, de plus en plus, celui qui sait, celui qui réussit. in « On range » Il ne faut pas chercher à comprendre pourquoi un enfant veut tel livre. Il n’est pas souhaitable d’en faire un objet thérapeutique ou d’interprétation. Lire engage une expérience intime et secrète à respecter. Évoquant une situation avec son petit enfant, elle dit : « j’ai rien vu, rien compris, j’ai juste lu inlassablement. Il n’y avait pas besoin que moi je comprenne. In « Non », ce mot que toute la famille dit à ce petit garçon qui commence à marcher et qui a soudain accès à de nouveaux territoires… Lui aussi peut le dire ! Certains parents utilisent le livre comme un imagier où ils commentent les illustrations. Et ils ne lisent pas le texte puisque, pensent-ils, le bébé ne comprend pas. On ne saura jamais ce que les petits comprennent. On sait simplement qu’ils cherchent à comprendre. Alors on peut lire à des tous petits. Ils se délectent de la musique de la langue, de la prosodie de la voix. Il y a aussi pour les bébés des trajets littéraires, dit René Diatkine. Ils découvrent également les codes graphiques, par exemple la vaguelette, avec le plaisir d’utiliser leur intelligence et de faire émerger du sens. Ils mettent leur pensée en mouvement et en comprennent par eux-mêmes, ça leur donne envie d’apprendre et ça les encourage à utiliser leur propre pensée. Et à trouver du plaisir dans cette activité.
notes prises lors de la conférence par Jeanne Vilbert
et diffusée aux participants au projet Bibliothèque Hors les Murs
Nantes, le 7 mars 2008